Derrière la corde : diplômes et faux-semblants dans l’encadrement en escalade

Derrière la corde : diplômes et faux-semblants dans l’encadrement en escalade

Derrière la corde : diplômes et faux-semblants dans l’encadrement en escalade

Posté le 20/05/2025 à 21:52

ENCADREMENT EN ESCALADE : COMPRENDRE LES DIPLÔMES, FORMATIONS ET ENJEUX POUR LA SECURITE EN MILIEU NATUREL

L’escalade en milieu naturel est une activité qui séduit de plus en plus de passionnés, attirés par la beauté des paysages et les défis qu’offre la pratique en extérieur. Mais saviez-vous que l’encadrement de cette discipline, en raison de ses risques, est strictement réglementée en France ? De la falaise équipée aux grandes voies engagées, les diplômes n’offrent pas tous les mêmes prérogatives. Entre formations professionnelles comme le DEJEPS Escalade en Milieux Naturels et certifications fédérales, des disparités significatives existent.

 

Dans cet article, nous décryptons les différences entre les diplômes, la durée des formations et les prérogatives en matière de sécurité et d'encadrement. Que vous soyez professionnel, pratiquant ou futur encadrant, découvrez tout ce qu’il faut savoir pour encadrer ET être encadrer  en escalade en toute sécurité.

 

      I-  Le contexte

 

L'article L212-1 du Code du sport stipule que seuls les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive, ou entraîner ses pratiquants. Ces qualifications doivent garantir la compétence du titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers, et être enregistrées au Répertoire national des certifications professionnelles. Des dérogations sont prévues pour les personnes en cours de formation préparant à ces qualifications, sous certaines conditions.


 

Une question se pose : pourquoi cette obligation de qualification est-elle limitée au cadre professionnel ? Ne serait-il pas pertinent d’exiger un niveau de compétence similaire, même dans le cadre associatif ou bénévole, particulièrement pour garantir la sécurité des pratiquants et des tiers dans des activités potentiellement risquées ?

 

 

II-  Les formations professionnelles et leurs prérogatives

Nous notons 7 cursus différents donnant accès à des prérogatives plus ou moins étendues dans l’encadrement de l’escalade en milieu naturel :

 

a)       Diplôme d’Etat de la Jeunesse, de l’Education Populaire et du sport (DEJEPS)-« Mention escalade en milieu naturel »

Prérogatives : Toutes prérogatives escalade en dessous de 1500m d’altitude

Durée de formation : 1500h avec test d’entrée et préparation 1 an minimum

b)      Diplôme d’Etat de la Jeunesse, de l’Education Populaire et du sport (DEJEPS) perfectionnement sportif-« Mention escalade » 

Prérogatives : SNE en bloc et en falaise sur des voies d’une longueur inférieur à 1500m d’altitude.

Durée formation : 1500h avec test d’entrée

c)       Diplôme d'État d'Alpinisme – Guide de Haute Montagne

Prérogatives : Toutes prérogatives sans limitation d’altitude

Durée formation : 5 ans

d)      Licence STAPS avec mention « Entrainement sportif » ou « Education et motricité »

Prérogatives : SNE en bloc ou site sportif d’une longueur de corde

Durée formation : 3 ans (environ 120h de pratique/enseignement dédiée à l'escalade sur l'ensemble de la formation)

e)       BPJEPS APT avec spécialisation activités escalade

Prérogatives : SAE, SNE sur secteurs découvertes sur des voies inférieures à 35m

Durée : 200h pour la spécialisation

f)         BPJEPS activités montagnes avec CS escalade

Prérogatives : Site naturel sportif d’une longueur sous les 1500m d’altitude uniquement.

Durée : 200h pour la spécialisation

g)       TFP MESA

Prérogatives : Encadrement de l’escalade sur structure artificielle (SAE), en initiation et perfectionnement, pour tout public, dans un cadre professionnel.

Durée : 742 heures (403 heures en centre de formation, 330 heures en alternance, 9 heures de certification)

 

III-  Les brevets fédéraux et leurs prérogatives

    1) Moniteur escalade sportive

Prérogatives : SAE, SNE (bloc et sites sportifs d’une longueur)

Durée : 35 à 50h

                           2) Initiateur escalade

Prérogatives : SAE, SNE (bloc et sites sportifs d’une longueur)

Durée : 35 à 50h

                  3) Moniteur grands espaces

Prérogatives : SAE, SNE (bloc, sites sportifs d’une longueur et site sportifs de plusieurs longueurs)

Durée : 35 à 50h

 

IV- Les prérogatives, un décalage troublant

Bien que la durée et la profondeur de formation diffèrent

considérablement, les prérogatives semblent parfois proches :

·        DEJEPS :

o   Encadrement en autonomie sur tous types de sites naturels sportifs, grandes voies, terrains d’aventure, et via ferrata.

·        Diplôme fédéral (FFME Moniteur Escalade Grands Espaces) :

o   Encadrement en autonomie sur des sites sportifs équipés, parfois jusqu’à plusieurs longueurs


Problème identifié :

·        Ces diplômes fédéraux accordent des prérogatives comparables à celles du DEJEPS, mais le temps de formation bien plus court contraste fortement avec les responsabilités liées à l’encadrement en milieu naturel. Cela met en évidence une disproportion marquante entre le niveau de préparation exigé et les risques réels auxquels les encadrants sont confrontés.

·        Exemple : Un titulaire d’un diplôme fédéral peut encadrer sur un site sportif d’une longueur, alors qu’un titulaire du DEJEPS doit valider des centaines d’heures de formation et des tests exigeants pour des prérogatives comparables.


Les risques associés :

Pour le DEJEPS :

  • Les diplômés sont formés pour anticiper et gérer des situations complexes, notamment :
    • Évaluer les risques liés aux conditions météorologiques ou à l’état des équipements.
    • Mettre en place des systèmes de secours en cas d’accident.
    • Assurer la sécurité dans des environnements plus engagés (grandes voies, terrains d’aventure).

Pour les diplômes fédéraux :

  • La formation ridiculement courte ne permet pas d’acquérir la même profondeur de connaissances.
  • La gestion des risques repose davantage sur des notions de base et une expérience personnelle limitée.
  • Problème : L’encadrement sur des sites naturels, même équipés, comporte des risques élevés qui nécessitent des compétences spécifiques et approfondies.

 

V-  Impact sur la professionnalisation du secteur, des rémunérations dissimulées ?

Le DEJEPS est un diplôme d’État qui vise à professionnaliser le secteur en formant des cadres compétents pour encadrer contre rémunération.

Les diplômes fédéraux, bien qu’importants pour les bénévoles en milieu associatif, peuvent créer une concurrence déloyale pour les professionnels diplômés.

  • Exemple : Un encadrant fédéral peut proposer des sorties en milieu naturel dans un cadre bénévole ou semi-professionnel, sans offrir le même niveau de sécurité ou d’encadrement qu’un titulaire du DEJEPS tout en pouvant obtenir une rémunération qui n’en porte pas le nom.

Rémunération dissimulés

Dans le cadre associatif, certaines pratiques contournent les principes fondamentaux du bénévolat en masquant des formes de rémunération. Parmi les dérives les plus courantes, on trouve le versement d’indemnités forfaitaires sans lien avec des frais réels, des remboursements de faux frais ou exagérés, et la fourniture d’avantages en nature disproportionnés. De plus, le « faux bénévolat » se développe, où des engagements proches de ceux d’un salarié (horaires fixes, missions régulières) sont exigés sans reconnaissance officielle. Ces pratiques, bien qu’elles puissent sembler anodines, exposent les associations à des risques juridiques importants, tels que des requalifications en contrats de travail, des redressements fiscaux, ou des sanctions sociales, tout en érodant la confiance dans le modèle associatif. D’autre part cela contribue à dévaloriser les diplômes et à nuire à la professionnalisation d’activités pourtant sensibles, notamment dans des environnements à risque comme l’escalade en milieu naturel.


Bénévolat , brevets fédéraux, une illusion de compétence

Le bénévolat joue un rôle structurant dans les clubs d’escalade, en particulier dans l’animation et la transmission auprès des jeunes. Il est essentiel à la vitalité du tissu associatif. Mais ce n’est pas la nature bénévole de l’engagement qui est problématique, c’est l’attribution de responsabilités techniques à des personnes dont la formation est notoirement insuffisante.

Les brevets fédéraux délivrés par la FFME, tels que le « Moniteur escalade grands espaces » ou l’« Initiateur escalade », donnent parfois accès à des prérogatives qui frôlent celles des diplômes professionnels… pour des formations qui durent à peine 35 à 50 heures.


Ces brevets créent une illusion de compétence :

  • Ils donnent un cadre officiel à des aptitudes non consolidées,
  • Ils rassurent faussement les pratiquants encadrés, qui pensent être en sécurité sous la responsabilité d’un « diplômé »,
  • Et ils banalisent l’acte d’encadrement en terrain à risque, comme si une falaise sportive pouvait être gérée comme une activité de loisir simple.

Dans les faits, ces certifications fédérales ne permettent ni d’acquérir, ni d’évaluer réellement les compétences nécessaires à :

  • L’analyse d’un site naturel et de ses dangers,
  • La gestion d’un groupe en situation instable,
  • La mise en œuvre de secours ou de manœuvres techniques complexes.

Ce déguisement de compétence nuit à plusieurs niveaux :

  • Il met les pratiquants en danger,
  • Il dévalorise les diplômes professionnels qui exigent des années de formation et de sélection rigoureuse,
  • Et il brouille les repères des encadrants eux-mêmes, certains croyant être « qualifiés » alors qu’ils ne le sont que sur le papier

 

 

VI-  Arguments pour une harmonisation nécessaire

 

·        Qualité et sécurité : Les environnements naturels, même équipés, exigent une formation rigoureuse pour garantir la sécurité des pratiquants.

·        Reconnaissance des diplômes professionnels : Les diplômes comme le DEJEPS ou le Guide de Haute Montagne doivent être mieux différenciés des diplômes fédéraux pour éviter une confusion sur les compétences des encadrants.

·        Propositions :

a)        Limiter les prérogatives des diplômes fédéraux aux activités strictement associatives sous la supervision d’un diplôme spécifique au milieu naturel, sur des sites parfaitement adaptés et équipés.

b)        Mieux encadrer les formations courtes pour garantir un socle de compétences minimum.

c)        Mise en place de contrôle annuel concernant le défraiement des bénévoles

d)        Réserver l’encadrement en milieu spécifique au diplôme professionnel


 

Conclusion : un enjeu de sécurité et de professionnalisation :

  • Les disparités entre les diplômes professionnels (DEJEPS) et fédéraux (FFME) soulèvent des questions importantes sur la sécurité, la qualité de l’encadrement et la reconnaissance des compétences.
  • Si les diplômes fédéraux sont essentiels pour développer l’escalade dans un cadre associatif, ils ne devraient pas être confondus avec les diplômes professionnels conçus pour des interventions exigeantes en milieu naturel.
  • Une harmonisation des prérogatives serait bénéfique pour clarifier les rôles de chacun, garantir la sécurité des pratiquants et valoriser les métiers du sport.
  • L’incohérence entre la rigueur de formation exigée pour le DEJEPS et les prérogatives accordées à d’autres diplômes ou certifications beaucoup moins exigeants.
  • La nécessité d’une clarification réglementaire pour différencier les qualifications adaptées à un encadrement professionnel (notamment en milieu spécifique).
  • Les enjeux de sécurité et la responsabilité des encadrants face à des pratiquants, surtout dans des environnements où les risques sont élevés.

Depuis quelques années, de nombreux accidents parfois mortels sont a déplorés aux travers d'activités en milieu spécifique menées à bien par des bénévoles. 
Retrouvez prochainement notre article traitant de l'accidentologie en escalade.

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